Oracle pour des temps nouveaux
par Barthélemy
MANDEKOUZOU-MONDJO
J’ai surpris « en naviguant sur la toile » (1)
l’image d’un homme qui apparaissait comme s’il recevait une onction avant un
envoi en mission. La « Déclaration de politique générale du
Gouvernement » de M. Simplice-Mathieu Sarandji s’est naturellement inscrite
dans ce tableau et cette lecture.
Comme les messagers que les dieux envoyaient dire aux
hommes les desseins qu’ils avaient arrêtés pour eux, voici, en effet, Monsieur
le Premier Ministre venant délivrer au Peuple centrafricain les ordres et
directives de la Première Autorité de l’Etat, le Président de la
République :
« Lors de la campagne de l’élection présidentielle, j’ai
pu me rendre compte de l’état de délabrement de notre pays ainsi que de la
précarité qui affecte nos populations.
J’ai cerné les attentes de nos
concitoyens.
Ces attentes sont nombreuses et nous devons en tenir
compte dans la conduite des actions gouvernementales, en accélérant notre rythme
de travail et en étant plus efficaces…
Sur la base du projet que j’ai soumis à nos
compatriotes, je vous demande de faire adopter, par le Gouvernement, avant la
fin du mois de mai, un programme de Gouvernement qui sera soumis à l’approbation
de l’Assemblée nationale » (2)
Voici M. le Premier-Ministre ce 7 juin 2016 devant la
Représentation nationale pour présenter et éventuellement faire adopter le plan
d’action par lequel il entend, comme le lui demande le Président de la
République, « améliorer les conditions de vie de nos concitoyens »
(2).
Un récent article sur « l’illettrisme des Députés
centrafricains » qu’il
nous a été donné de lire ces derniers jours (3) fournit, à mon avis et
pour partie, la justification du vote-plébiscite qui a accueilli une Déclaration
de politique générale étirée sur soixante-treize pages où tout est dans
tout : un clair-obscur ou un flou artistique qui n’a pas empêché que le
texte fût adopté à l’unanimité ou presque : puisque apparemment un député
aurait émis un vote différent !
On attend généralement de cet exercice la clarté du mode
de fonctionnement d’un audit tel qu’il fait reposer ses préconisations sur la
présentation ordonnée et la plus complète possible de l’état des lieux. En
imaginant ici que la demande du Chef de l’Etat ait été déclinée tout entière et
distribuée dans une équitable répartition des tâches entre les différents
ministères composant le Gouvernement, une Déclaration de Politique générale se
doit de faire apparaître la synthèse totale des contributions reçues de ces
ministères, qui permettra ensuite de déterminer, de « façon claire et
distincte », les différents orientations possibles et tous les plans
d’action !
Après la forme, venons-en au fond…
Au sortir d’une grande crise un Pays détruit au point où
l’est la République Centrafricaine est nécessairement un immense chantier de
reconstruction. Il faut que le Centrafricain se mette au travail : une
lapalissade ! Mais l’évidence cesse dès lors que l’on veut bien regarder
les conditions de vie qui sont faites à cette population qu’une guerre venue
d’ailleurs a chassée de ses terres et jetée sur les chemins de l’errance et même
de l’exil où, exposée à tous les dangers, elle meurt de faim et de misère Le
Paysan est sans terre. Les « razzias » comme au siècle dernier se
poursuivent ; et les nouveaux esclaves sont sur les chantiers de
l’extraction de l’or et du diamant qui enrichissent le commerce des armes et
entretiennent la guerre. La Jeunesse, pour cette partie qui a pu échapper à la
maladie et à la mort, est récupérée par les seigneurs de guerre qui écument le
Pays et continuent de semer la terreur.
Le Président de la République entend que soient initiées
des actions pour « améliorer les conditions de vie de nos
concitoyens » (2) : en souhaitant efficience et efficacité au bout du
parcours !
Dans la Déclaration de Politique générale du
Gouvernement, le Premier-Ministre, certes avec quelque raison, a un peu de mal à
établir des priorités quand tout, indistinctement, n’est pas affiché comme
prioritaire !
Je me permets d’y revenir et redire ici ce que je
suggérais à nos candidats aux Présidentielles dans un billet du 30 novembre
2015 :
« Faire de la politique en Centrafrique peut et
doit conduire à reproduire des schémas que nous retrouvons partout et chaque
fois qu’on s’avise de prendre en charge la vie de la Cité et de chercher à y
assurer le bien-être et la félicité pour les hommes qui y vivent.
La poursuite des Objectifs du Millénaire en offre un
canevas classique :
(1) Combattre l’extrême pauvreté et la
faim
(2) Rendre l’enseignement primaire accessible à
tous
(3) Promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des
femmes
(4) Réduire de 2/3 la mortalité des enfants de moins de 5
ans
(5) Améliorer de ¾ la santé maternelle
(6) Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres
maladies
(7) Assurer un environnement durable
(8) Mettre en place un partenariat mondial pour le
développement…
Je n’ai pas le moindre doute que ce canevas n’ait pas
inspiré plus d’un programme ou projet de société de nos candidats aux
Présidentielles.
Il est
classique, mais il reste général et, partant, théorique.
Il est d’application malaisée pour le cas centrafricain
où l’efficacité de l’entreprise a et aura à compter avec des obstacles de tous
genres, dont l’état de guerre, -qui a chassé de nos paysages la paix et la
sécurité-, n’est pas le moindre. ». (4)
Mon billet était intitulé :
« Plaidoyer pour qu’advienne la paix en République
Centrafricaine »
et avait un sous-titre :
« Si tu veux la paix, prépare la
guerre ! »
J’avais alors affiché comme priorité le combat pour
rétablir, avec le retour de nos déplacés dans leurs foyers, la sécurité et la
libre circulation des personnes et des biens sur toute l’étendue du
territoire.
Le Président de la République semble en
convenir :
« La
priorité des priorités est la sécurité durable et la défense du territoire
national.
La sécurité est une exigence républicaine, c’est la première des
libertés.
J’y répondrai avec fermeté.
Tout sera mis en œuvre pour que les Centrafricains
vivent en paix et en sécurité sur l’ensemble du territoire
national.
La République Centrafricaine est Une et Indivisible.
Elle le restera.» (5)…
Mais comment le Gouvernement entend-il s’y prendre pour
rassurer quand tout indique que le désengagement annoncé de Sangaris a remis la
Sélèka dans les starting-blocks ou que l’Administration a déserté la
Province et laissé les mains libres aux seigneurs de guerres qui rançonnent,
pillent et tuent encore et toujours à Bambari et dans la Ouaka ?
La Déclaration de Politique générale du Gouvernement est
un tel enchevêtrement d’idées que
la cohérence des actions à conduire n’y apparaît guère.
L’oracle pour des temps nouveaux n’annonce pas vraiment la voie, ni le moyen
pour en sortir et le cauchemar continue de hanter les nuits des
Centrafricains : même dans les rues de Bangui et si près du
Pouvoir !
Ce que je crois : c’est que le bon sens, au nom de
notre quête de l’efficience et de l’efficacité, imposera toujours que sans cesse
nous soyons déterminés à avancer avec méthode.
MANDEKOUZOU-MONDJO
15 juin 2016
Notes
(1)
Simplice
Sarandji, un PM boy-coton… (
lafraternnite.over-blog.com/…)
(2) Déclaration de M. Touadéra lors du premier Conseil des Ministres le 15 avril 2016.
(3) «A PROPOS DE L’ILLITRISME DES DEPUTES CENTRAFRICAINS » par Honorable Jean-Pierre MARA (Sangonet : 5 Juin 2016).
(4) « Pour qu’advienne la paix en République Centrafricaine » : par B. MANDEKOUZOU-MONDJO : 30 novembre 2015.
(5) Discours d’Investiture de Son Excellence Professeur Faustin Archange Toudéra, Président de la République, Chef de l’Etat. Bangui, 30 mars 2016.